mardi 1 février 2022

L'Afrique Réelle n°146 - Février 2022

Sommaire

Dossier : Burkina Faso : autopsie de la guerre
- Les conséquences du coup d’Etat
- Une guerre qui n’est pas religieuse
- Une guerre aux causes d'abord endogènes

Les idées à l'endroit :
- « Françafrique » : un mythe qui a la vie dure
- Le Sahel face au sentiment antifrançais
- Comment la France est devenue la « colonie de ses colonies »


Editorial de Bernard Lugan

Sahel : et maintenant, que faire ?

Au Sahel, la France s’arc-boute sur l’idéologie démocratique désormais vue en Afrique comme une forme de néocolonialisme. Résultat, après la Centrafrique, elle va être « éjectée » du Mali alors que ses soldats y tombent pour assurer la sécurité de populations abandonnées par leur propre armée... Les incessantes manifestations de Bamako, les convois français bloqués « spontanément » par des civils au Burkina Faso ou au Niger, ainsi que les déclarations enflammées de responsables politiques locaux, appellent donc à un total changement de paradigme qui doit déboucher sur un désengagement rapide.
Le fond du problème est que le Mali, le Burkina Faso et le Niger, Etats faillis aux armées incompétentes, accusent la France de « néocolonialisme », alors que ses soldats font la guerre à leur place… Or, si guerre il y a, c’est parce que ces trois pays ont, comme je ne cesse de le dire depuis des années (voir mon livre Les guerres du Sahel des origines à nos jours), toujours refusé de prendre en compte les revendications de leurs minorités ethniques, Touareg ou Peul, sur lesquelles se sont opportunément greffés les jihadistes. C’est en effet sur les braises des quatre guerres touareg du Mali qu’ont su souffler ces derniers. Sans parler des humiliations permanentes subies par les pasteurs peul. De toute évidence, le rôle de Barkhane n’était pas de régler ces questions ethno-politiques inscrites dans plusieurs siècles d’histoire. 
En réalité, ceux qui dénoncent la France ont choisi de le faire afin de flatter leurs opinions publiques. Nous sommes en présence d’une entreprise de défausse rendue d’autant plus facile que l’accusation de néo-colonialisme est toujours prompte à échauffer des esprits gangrenés par la rente mémorielle et encouragés par l’ethno-masochisme des élites françaises. Une situation dangereuse pour les populations locales car, de cette dénonciation de la France ne sort aucune proposition, aucune alternative, en dehors d’épanchements de bile momentanés qui font bien rire les mercenaires russes…
Voilà donc la France devenue bouc-émissaire permettant aux élites locales qui ont systématiquement pillé leurs pays respectifs de cacher six décennies de corruption, de détournements, d’incapacité politique, en un mot d’incompétence. Regardons la réalité en face :
- Est-ce la faute de la France si, au Mali, au Burkina Faso et au Niger, le désastre est total, si les crises alimentaires sont permanentes, si l'insécurité est généralisée et si la pauvreté atteint des niveaux sidérants ?
- Est-ce la faute de la France si les armées locales s’enfuient devant les groupes armés après avoir pillé ceux qu’elles étaient censées protéger ?
Face au ressentiment antifrançais, l’urgence est donc de laisser les faillis face à leurs responsabilités. D’autant plus que la « françafrique » est un fantasme, la France n’ayant, ni économiquement, ni stratégiquement, ni politiquement, de véritables intérêts dans la région. 

3 commentaires:

  1. Les pouvoirs français n'ont montré jusqu'ici aucune anticipation des événements au Sahel. Ils sont entrés dans le tunnel du djihad et croient qu'il débouche à la fin. Mais non. Il leur faudra revenir en arrière parce que les fondamentaux ne sont pas militaires, comme vous l'avez si bien montré.
    Un départ de Gao et de Ménaka, précipité par la colère populaire bien orientée par les bénéficiaires de la corruption d'Etat, sera du meilleur effet sur la campagne électorale d'Emmanuel Macron. Que n'y a-t-il pensé !
    Kardaillac

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  2. Comme toujours ce grand expert des questions africaines a le mot juste et le commentaire bien pédagogique! On en redemande à chaque fois....

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  3. il faudrait lasser les états-faillis assumer leurs erreurs... et de même avec nos banques qui auraient dû sauter en 2008, et qu'on s'échine à sauver à coups de milliards. Je suis pour la responsabilité. Si on les avait laissé tomber, l'économie réelle après quelques remous serait déjà repartie. Là, on traine notre misère.

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