jeudi 2 juillet 2020

Congo : les regrettables « regrets » du roi des Belges

Le mardi 30 juin 2020, pliant à son tour sous l’air du temps, le roi des Belges a présenté « ses plus profonds regrets pour les blessures infligées lors de la période coloniale belge au Congo ». Des « regrets » qui n’avaient pas lieu d’être. Pour au moins quatre  raisons principales : 

1) En 1885 quand fut internationalement reconnu l’État indépendant du Congo (EIC), les esclavagistes zanzibarites dépeuplaient tout l’est du pays. Ayant largement franchi le fleuve Congo, ils étaient présents le long de la Lualaba, de l’Uélé, dans le bassin de la Lomami, un des affluents majeurs du Congo, et ils avaient quasiment atteint la rivière Mongala.
Dans cette immense région, de 1890 à 1896, au péril de leur vie, de courageux belges menèrent la « campagne antiesclavagiste ». Au lieu de lassantes et injustifiables excuses, c’est tout au contraire la mémoire de ces hommes que le roi des Belges devrait célébrer. Parmi eux, les capitaines Francis Dhanis, Oscar Michaux, van Kerckhoven, Pierre Ponthier, Alphonse Jacques, Cyriaque Gillain, Louis Napoléon Chaltin, Nicolas Tobback et bien d’autres. Pour avoir voulu arracher les malheureux noirs aux esclavagistes musulmans venus de Zanzibar et de la péninsule arabe, Arthur Hodister et ses compagnons ainsi que le lieutenant Joseph Lippens et le sergent Henri De Bruyne furent massacrés. Les deux derniers eurent auparavant  les mains et les pieds coupés par les esclavagistes. Leurs statues vont-elles être déboulonnées ? Probablement, tant l’ethno-masochisme des Européens semble être sans limites.

2) Dans le Congo belge les services publics fonctionnaient et des voies de communication avaient été créées à partir du néant, tant pour ce qui était de la navigation fluviale, que des voies ferrées, des aérodromes ou des ports. Quant au réseau routier, il était exceptionnellement dense, des pistes parfaitement entretenues permettant de traverser le pays d’ouest en est et du nord au sud en toutes saisons. Après l’indépendance, ces voies de communication disparurent, littéralement « mangées » par la brousse ou la forêt.

3) La Belgique n’a pas pillé le Congo. Et pourtant, cette colonie fut une de celles dans lesquelles  les profits  furent les plus importants. Mais, à partir de 1908, les impôts payés par les consortiums et les privés furent en totalité investis sur place.  Le Congo belge pouvait donc subvenir à ses besoins, le plan de développement décennal ainsi que les investissements étant financés par les recettes locales tirées de l’impôt des grandes sociétés.

4) Parmi toutes les puissances coloniales, la Belgique fut la seule à avoir défini un plan cohérent de développement de sa colonie en partant d’une constatation qui était que tout devait y être fait à partir du néant. En matière d’éducation, la France et la Grande Bretagne saupoudrèrent leurs colonies d’Afrique sud-saharienne tandis que la Belgique choisit de procéder par étapes et de commencer par bien développer le primaire, puis le secondaire et enfin seulement le supérieur. Mais, pour que ce plan puisse être efficace, il lui fallait encore une certaine durée. Or, il fut interrompu par l’indépendance alors qu’il fallait à la Belgique au moins deux décennies supplémentaires pour le mener à son terme.

Alors, certes, il y eut une période sombre dans l’histoire de la colonisation belge, avec une politique d’exploitation fondée sur le travail forcé et dénoncée en 1899 par Joseph Conrad dans son livre « Au cœur des ténèbres ». Mais ce ne fut qu’une parenthèse de quelques années. A partir de 1908, le Congo rentra en effet dans l’Etat de droit et ses ressources ne servirent plus qu’à sa mise en valeur.
Voilà pourquoi, en plus d’être  regrettables, les « regrets » du roi des Belges sont une insulte à de grandes figures belges et à l’Histoire de son pays.

Pour en savoir plus, voir mon livre Histoire de l’Afrique des origines à nos jours, pp 552-555 et 701-715.

12 commentaires:

  1. Les exactions des belges au Congo (les fameuses mains coupées) ont elles été exagérées hors proportion par les historiens anglais ?
    Jean Pierre Hallet dans "le Congo des magiciens" dit n'avoir jamais vu ou entendu de quoi coroborer ces accusations.

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  2. je suis très content que Bernard Lugan distingue implicitement deux périodes concernant la présence belge au Congo :

    de 1885 à 1908, le Congo est pillé par léopold2 !!! (les mains coupées, ce n'est pas une légende gauchiste, au grand dam des droitards).
    à partir de 1908, la "Belgique de papa" (suffrage universel masculin à partir de 1918) gère le pays en bon père de famille (raciste mais réglo').

    la Belgique NE VA PAS présenter des excuses car elle devrait alors payer des dédommagements (et les belges de biens sont plus avares que le père Grandet).

    Geo', neo-communiste belge

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  3. En somme, si on vous suit bien, ce serait plutôt aux ressortissants même du Congo Belge donc les futurs Zaïrois d’être Profondément reconnaissant au Royaume Belge de les avoir spoliés et réduit en esclavage pendant si longtemps et que le genocide qui en découla est une simple vue de l’esprit ...!!!
    On ne doit pas avoir la même lecture des faits. Vous est lamentable de défendre de telles positions que la simple lecture objective de l’Histoire de la Colonisation réfute en totalité 🤮

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  4. J'ai connu personnellement Mr Oscar Dardenne et son épouse Mariette qui ont donné leur vie au Congo par amour pour les congolais et leur beau pays. Ce que le roi des belges a fait avec cette déclaration est une vraie insulte à leur mémoire et montre l'ignorance de nos dirigeants ce qui est impardonnable !

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  5. Je vous rejoins dans vos propos, cher Mr. Lugan.
    Mes parents ont vécu de 1938 à 1958 pour compte de l'Union Minière dans le Kivu, le Maniema (Misiri, Lulingu, Moga, Kaïlo).
    Oui, ils appelaient les hommes et femmes du cru "les nègres". Oui, ils avaient des "boys" qui travaillaient à la maison...
    Mais jamais je n'ai entendu de mes parents des propos racistes ou de soumission d'esclavage.
    Et ils n'étaient pas les seuls belges a agir de la même façon dans ces régions.

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  6. Il y a effectivement des choses regrettables dans cet article qui escamote purement et simplement une période de brutalités sans limites qui a provoqué l'horreur dans tous l'occident, et ce il y a plus d'un siècle.
    De 1885 à 1908 en effet, sous l’appellation de l'Etat indépendant du Congo (reconnu lors de la conférence de Berlin 1884-85), ce territoire fut considéré et administré comme la propriété personnelle du roi des Belges, Léopold II.

    Pendant cette période, les atrocités commises sur les populations locales en vue d'extraire un rendement maximal des ressources (principalement l'ivoire et le caoutchouc) ont suscité l'indignation, avec notamment « l'affaire des mains coupées ». Cette affaire témoignant des mauvais traitements infligés à la population avec son lot de mutilations poussa à la mise sur pied d'une commission d'enquête internationale en 1904. Son rapport a notamment eu comme conséquence l'annexion du Congo par la Belgique en 1908.
    Il n'y a pas de statistiques officielles sur le nombre de personnes qui ont perdu la vie à cause de l'occupation mais les estimations se situent entre 500000 et 5 millions et jusqu'à 10 millions.

    Et que penser de la solidité de l'argument selon lequel les crimes de masse n'ont duré que quelques années ?

    Transportons nous dans l'Europe du début des années 40. Qui pourrait utiliser utiliser cet argument ?

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  7. Il serait intéressant d'apprendre qui a tenu la plume, car le Roi des Belge ne s'exprime que sous dictée.

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  8. merci à des historiens courageux et désireux de rétablir la véracité des faits d'éclairer la folie de notre époque qui avance à grands pas vers la guerre "civile"

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  9. En d'autres termes, parce que la Belgique a repoussé des esclavagistes et qu'elle a aidé le Congo à se développer à partir du néant justifie-t-elle sa colonisation ?
    Je suis d'accord avec le fait que des regrets aujourd'hui ne servent à rien car je pense que cela ne change rien à l'état du Congo, qu'ils le font simplement pour faire plaisir au mouvement black lives matter et qu'en plus je suis persuadé qu'ils le pensent pas vraiment.

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  10. Si jamais vous comptez rééditer Heia Safari, j'y ai relevé une série de coquilles quand je l'ai lu. Je pourrais transmettre celles-ci. pandries@cooptel.qc.ca

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  11. A enseigner dans les écoles ici comme au Congo
    il faut aussi le savoir

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  12. Jusqu'à quand les nations vont-elles se flageller ? Nos enfants et petits-enfants vont-ils poursuivre ces repentances pour des faits qu'ils ignorent et que les manuels d'histoire édulcorent à bon escient ? Est-ce que l'Allemagne demande régulièrement pardon pour les dizaines de millions de morts des deux guerres mondiales ? Ces repentances nous exaspèrent et ne font qu'alimenter des pensées très nocives dont nous n'avons nullement besoin en ces temps troublés !

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