lundi 28 octobre 2019

L'Afrique Réelle n°119 - Novembre 2019


























Sommaire

Actualité :
- Nigeria : la montée en puissance du jihadisme
- Egypte-Ethiopie : la crise pour les eaux du Nil

Dossier :
Comprendre la crise algérienne

Polémique :
La grande ombre du général von Lettow-Vorbeck face à cette gauche qui n’en finit pas de faire la guerre aux morts


Editorial de Bernard Lugan

L’impasse algérienne

Trente-six semaines après le début de la protestation - le hirak -, alors que des dizaines d’opposants au régime militaire ont rejoint en prison des dizaines de notables du clan Bouteflika et que la police pourchasse les porteurs du drapeau berbère, le général Gaïd Salah a décidé que, coûte que coûte, les élections présidentielles auraient lieu le 12 décembre prochain.

En 2019, la candidature de la momie d’Abdelaziz Bouteflika à un 5e mandat a mis le feu aux poudres. La rue algérienne s’est alors massivement mobilisée, faisant oublier l’incroyable résilience dont elle avait fait preuve jusque-là. Or, ce mouvement n’était pas une simple contestation, mais une claire volonté de refondation en profondeur des institutions algériennes dans l’esprit du « congrès de la Soummam ». 
Fin août 1956, en Kabylie, les représentants de 4 des 5 wilayas de l’intérieur avaient en effet discuté de l’avenir de la future Algérie indépendante. L’accord s’était fait sur trois grands points : primauté du politique sur le militaire, primauté des combattants de l’intérieur sur les structures politico-militaires de l’extérieur et refus de tout projet théocratique islamique. Le résultat fut qu’une guerre fratricide éclata à l’intérieur du mouvement nationaliste, ceux qui étaient réfugiés au Caire et à Tunis accusant les congressistes de la Soummam d’avoir réalisé un coup de force berbère. Ils rejetèrent donc ses conclusions et son concepteur, Abane Ramdane fut étranglé par les tenants de la ligne arabo-islamiste. Puis, ces derniers firent un coup de force durant l’été 1962. Aujourd'hui, leurs héritiers qui forment le cœur du « Système » ne veulent pas lâcher le pouvoir et ses « avantages » car ils craignent de devoir rendre des comptes.

Dans un premier temps, le « Système » a utilisé le mouvement pour éliminer à la fois le clan Bouteflika et le clan du DRS. En d’autres termes, au sein du « Système », le clan composé par le haut état-major, utilisa la rue pour se débarrasser de deux clans rivaux et concurrents. Petits « Machiavel », ils avaient cru qu’en mettant au cachot des personnalités honnies, les manifestants allaient s’estimer satisfaits et qu’il allaient leur donner quitus.
Puis, ils comprirent que la rue ne se satisfaisait pas de la mise en prison de plusieurs dizaines de dignitaires du clan Bouteflika, car, ce n’était  pas la fin d’un clan dont elle voulait, mais celle de TOUS les clans composant le « Système ». A  commencer par son cœur, celui des hauts gradés.

Le « Système » est donc dans une impasse. Comme il considère, du moins pour le moment, que les temps ne sont pas à l’épreuve de force, il n’a qu’un moyen pour tenter de sortir du piège dans lequel il est entré : organiser coûte que coûte une élection présidentielle, même parodique, afin de ne plus apparaître en première ligne face à la rue. 
Or, cette dernière ne veut pas de cette élection et comme le « Système » ne peut pas céder à ses revendications, au risque d’ouvrir les vannes de la révolution, il y a donc désormais casus belli.

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