mercredi 30 juillet 2014

L'Afrique Réelle N°56 - Août 2014


























Sommaire

Conférence censurée : texte intégral
Les interactions entre l'Afrique du Nord et le Sahel : quand le temps long donne la clé de lecture des conflits actuels

Dossier :
Le Mozambique un pays d'avenir si...

- 1964-1992 : une guerre de trente ans
- Les ethnies du Mozambique
- Le nouveau Mozambique (1994-2014)
- Le Mozambique : une ethno-cleptocratie ?

Editorial de Bernard Lugan :

Dans ce numéro de l'Afrique Réelle je publie l'intégralité[1] du texte de mon intervention censurée par l'Elysée (voir mon communiqué du 9 juillet 2014).
Pour mémoire, le 24 juin 2014, à la demande des Armées, je devais présenter aux Attachés de Défense français en poste dans une quinzaine de pays africains, la question de l'interaction entre l'Afrique du Nord et le Sahel à travers le temps long. Le but de cette intervention très spécialisée était de donner à ces hauts responsables militaires une vision globale ainsi que des clés de lecture dépassant les frontières de leurs affectations respectives. Cette intervention de type universitaire n'avait aucun caractère politique ou polémique et les abonnés à l'Afrique Réelle le constateront d'évidence en en lisant le texte.

Quelques jours avant la date prévue, un ordre téléphoné depuis l'Elysée contraignit les organisateurs à décommander la prestation bénévole qui m'avait été demandée. Dans mon communiqué daté du 9 juillet, j'écrivais :

« Alors que la complexité des situations locales et régionales nécessite une connaissance de plus en plus « pointue », non idéologique et basée sur le réel, la présidence de la République, avec un sectarisme d'un autre temps, a donc privé les Attachés de Défense français d’une expertise à la fois internationalement reconnue et nécessaire à la bonne compréhension des zones dans lesquelles ils servent... ».

Je n'ai rien à retirer à ces lignes. D'autant plus que les épurateurs zélés qui prospèrent actuellement dans l'appareil de l'Etat ont déclenché une campagne visant à m'évincer des divers cénacles militaires devant lesquels j'interviens.
Le fond du problème est que ces idéologues sont désemparés car ils ont perdu le magistère qu'ils exerçaient depuis les années 1950 dans le domaine des études africaines. Or, il faut bien avoir à l'esprit que ce fut à travers cette « chasse gardée » qu'ils imposèrent la culture de la repentance et de la culpabilisation, socle du désarmement moral de notre société. Il leur est donc insupportable de voir qu'une pensée non « conforme » puisse circuler au sein de l'institution militaire. Ils ont donc décidé de me remplacer par l'un ou l'autre de ces « africanistes » formatés et sans mémoire qui expliquent les crises actuelles par des facteurs d'abord économiques ou sociaux et qui, au nom de l'universalisme et du concept désincarné du « village terre », négligent la réalité ethnique parce qu'elle fait référence à un enracinement et encore plus grave à leurs yeux, à une identité. Certains vont même jusqu'à soutenir que les ethnies sont des créations coloniales...

Les officiers français ne sont pas dupes car, hommes de terrain, ils ont pu observer que si l'ethnie n'explique évidemment pas tout, rien ne peut s'expliquer sans elle... De plus, si les idéologues peuvent, sans risques, manier des concepts abstraits dans leurs douillets cabinets, les militaires sont quant à eux condamnés au réel. Ils ne peuvent en effet pas tricher avec les faits car il en va de leurs vies et plus encore, de celles de leurs hommes. Voilà pourquoi, fondées sur le seul réel et sur une longue connaissance du milieu, mes analyses connaissent un certain succès parmi nos Armées. Cela, les « bien-pensants » ne peuvent l'accepter.

Bernard Lugan

[1] Moins naturellement ce qui concerne les opérations en cours ou prévues.

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