vendredi 16 mars 2012

L'Afrique Réelle N° 27 - Mars 2012


























SOMMAIRE :

Dossier : Le pétrole en Afrique
- Quinze année de montée en puissance
- Le pétrole en Afrique du Nord
- Lé pétrole au Sud du Sahara
- L'avenir est dans le offshore profond
- Le pétrole des deux Soudan
- Le pétrole du Lac Albert

Histoire et culpabilisation : La révolte des Herero entre vérité et légende

Anniversaire : Le Traité de Fès

Editorial de Bernard Lugan :

Conséquence de la malencontreuse intervention franco-otanienne, l’éclatement de la Libye a déjà des conséquences géopolitiques dont nous sommes encore loin de mesurer les effets à moyen et à long terme[1].
L’on ne peut que demeurer pantois devant la légèreté de ceux qui engagèrent la France dans une guerre civile qui ne la concernait en rien et dans laquelle aucun de ses intérêts vitaux n’était menacé. Ne tenant aucun compte des mises en garde, négligeant les avis de leurs propres services, ils ont tout au contraire choisi de suivre les conseils de ces bateleurs des « droits de l’homme », de ces chantres de l’ingérence dite « humanitaire » qui sévissent à longueur de temps dans les médias français. 
Les décideurs français n’ignoraient pourtant pas que la Libye n’est pas un Etat, mais un conglomérat tribal engerbant la Tripolitaine qui regarde vers Tunis, la Cyrénaïque tournée vers Le Caire et le Fezzan qui plonge vers le bassin du Tchad et la boucle du Niger. Ils savaient qu’au départ le mouvement n’était qu’une dissidence régionaliste née en Cyrénaïque et renforcée d’une manière opportuniste par le soulèvement de la minorité berbère vivant dans le djebel Nefusa, à l’Ouest. Leurs conseillers ne leur avaient pas caché que l’épicentre de la « révolution » était la région de Benghazi, capitale de cette Cyrénaïque dissidente à l’époque ottomane, rebelle durant l’Impero italien et insoumise ensuite.
Ce fut donc bien dans une guerre civile que le président de la République immisça la France, au profit d’un camp contre un autre, trompant la Chine et la Russie sur ses intentions réelles tout en transformant un mandat onusien limité à la protection des civils de Benghazi en un droit de guerre étendu à l’ensemble du pays.

Reconnu par la France comme « le seul représentant légitime des populations libyennes » dès le 10 mars 2011, le CNT a depuis démontré qu’il ne représente que lui-même. Pendant un temps, sa seule marge de manoeuvre fut de donner des gages à certaines tribus tout en essayant de ne pas s’aliéner les autres. Aujourd’hui, alors que son autorité ne dépasse pas l’antichambre du bureau de son président, la Cyrénaïque vient de faire sécession.
La Libye n’existe donc plus et la sous région est désormais en pleine déstabilisation… Le désastre politique est bien total. 

Le dossier central de ce numéro de l’Afrique Réelle est consacré au pétrole car le continent fonde d’énormes espoirs sur des découvertes qui se multiplient depuis une décennie. Est-il pour autant cet eldorado décrit par certains observateurs ? La réponse doit être nuancée.
Aujourd’hui, l’Afrique dans son ensemble n’assure en moyenne que 15% de la production mondiale et ses 24 pays extracteurs ne produisent à eux tous pas davantage que l’Iran, le Mexique et le Venezuela réunis. De plus, dans l’état actuel des découvertes, elle ne détient qu’entre 8 et 10% des réserves mondiales prouvées, soit à peu de choses près l’équivalent de celles du seul Iran.
Cependant, de très importantes découvertes étant attendues ou annoncées en off shore et en off shore profond ainsi qu’en on shore, la place de l’Afrique dans la production mondiale va nécessairement augmenter. La question qu’il est donc légitime de poser est de savoir si le pétrole va pouvoir, à lui seul, sortir le continent de sa situation actuelle. Aura-t-il un effet d’entraînement sur des économies sinistrées ?
En Algérie et au Nigeria, la manne pétrolière n’a pas provoqué de décollage et le « tout pétrole » y a détruit une agriculture jadis florissante. Partout, il a provoqué la corruption, le gaspillage et même, ce qui est un comble, les pénuries en produits pétroliers. 
En définitive, le pétrole n’a pas enrichi les Africains, mais des Africains, quelques Africains. Il a d’abord servi à se servir.

[1] Voir à ce sujet les numéros de janvier et de février de l’Afrique Réelle.

4 commentaires:

  1. Un point de vue, une perspective sur la Lybie, la Syrie, L'Iran, les élections Russes, le veto Russe, le veto Chinois)... :

    http://www.mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=29768

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  2. L'exemple de la richissime fille aînée du président de l'Angola, Isabel dos Santos, née en 1973 d'une mère soviétique et à Bakou à l'époque encore en URSS, est significatif, même si cela n'enlève rien aux talents intrinsèques de l'intéressée.
    Actuellement en Angola, on construit beaucoup d'écoles et de structures sociales. Mais le président très habile ne sera pas toujours éternel. Qu'en sera t-il à la transition? Pour l'instant ce pays si meurtri pour avoir été choisi comme champ de bataille de l'Union Soviétique triomphante de la guerre froide, décolle vraiment bien, malgré la violence endémique et une présence extra-africaine qui risque de ne pas suffisamment stimuler la promotion par le travail des Angolais eux-mêmes, d'autant que les Portugais dont le pays est ruiné émigrent de nouveau vers l'Outre-mer...Mais il y a aussi tous les étrangers des cies offshore. Quand on a du monde pour faire le boulot mieux et plus vite avec de la main d'oeuvre extérieure (et pas seulement européenne ou nord-américaine mais aussi de plus en plus chinoise)et que l'argent est là...
    L'on en revient toujours à l'indispensable nécessité d'une prise en main de l'Afrique par ses propres habitants, démarche à la fois personnelle pour chacun, mais aussi au niveau des cellules locales, puis régionales et nationales, avec une absence d'anarchie et d'insécurité, et beaucoup de courage et d'éthique, une vision tournée sur l'avenir et pas que sur un passé qui sert d'alibi avec des ressentiments sans cesse remâchés aux insuffisants de maîtres des pays africains d'aujourd'hui.

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  3. chahb ibn Toumert20 mars 2012 à 12:23

    Merci a vous Mr Lugan pour tous ses dossiers et articles fort instructifs,j'ai lu deux de vos livres que vous m'avez dedicassés récemment,aussi je compte vous en commander d'autre trés prochainement,que Dieu vous garde Mr Lugan et Vive la France.

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  4. Les analyses de M. Lugan me paraissent extrêmement pertinentes car elles sont le reflet d'une excellente connaissance de l'Afrique et elles se veulent apparemment objectives.
    Le seul intérêt de la France à s'engager dans l'aventure Libyenne semblait politique, à savoir rattraper le faux pas lors de la Révolution tunisienne.
    Mon avis est qu'une Révolution est avant tout une affaire interne ou le peuple et ses dirigeants doivent régler leur linge sale en famille.La tyrannie est comme un fruit mûr,il tombe de lui même quand toutes les conditions sont réunies.
    De toutes les Révoltes qui ont secoué les pays du monde arabe, une seule contenait en elle toutes les conditions d'une véritable Révolution démocratique: La Tunisie.
    La preuve en est, qu'elle s'est débrouillée toute seule.Le degré d'éducation élevé des tunisiens,une Armée profondément empreinte d'esprit républicain et démocratique, une jeunesse avide de liberté et de justice et maîtrisant parfaitement internet et la puissance de rassemblement des réseaux sociaux,des syndicats retournés par leur base populaire expliquent en grande partie le succès de la Révolution tunisienne.Reste a espérer que ces forces vives de la Nation parviendront à préserver les acquis de cette Révolution démocratique. L'histoire nous a malheureusement démontré que les initiateurs des Révolutions n'en ont jamais profité et ont été balayés par des courants réactionnaires et tyranniques.La Tunisie nouvelle est prête a défendre ses acquis et elle en est capable, ce qui est loin d'être le cas de la Libye, de l'Egypte, du Yemen et demain de la Syrie.

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